Lucien Aimé Blanc est décédé… salut l’ami !
Voici pas mal de temps que j’ai été confronté à la mort. Pas celle des faits divers ou des conflits armés, violente et imprévisible. Non, celle d’un proche, d’un ami, d’un pote. Souvent, on la touche de loin, une fois tout terminé. On apprend que… On est prévenu de… Et c’est déjà dur à supporter. Mais voir un pote partir, le suivre de jour en jour, le visiter sur son lit de partant…
Et, cette fois-ci, c’est encore plus dur à supporter. Car le vieux lion en a assez de rugir tant son cri s’est affaibli. Alors, il préfère se taire. Ses griffes sont usées, tant elles ne servent plus depuis trop longtemps. Alors, il préfère se coucher le temps que l’éternel vienne se saisir de lui. Voir un pote se laisser partir, las de vivre… L’entendre te dire, « cette fois-ci, y en a marre. Je n’en peux plus. Que ça finisse ! ». Lulu se laisse partir et il n’y va même pas doucement, le con ! Pourtant, quand je l’avais vu, voici une quinzaine de jour, on a déconné. On a dit du mal de plein de gens. Il avait l’œil et la pensée altières. Et je me disais qu’un mec qui ne perd pas la boule, et qui réussit à encore faire fonctionner son cerveau, en réagissant du tac au tac à la moindre saillie, ne pouvait pas avoir complètement envie de lâcher la rampe. Certes, il n’a pas touché au plat principal qu’une jeune femme adorable venait de lui apporter, mais il a tout de même joyeusement plongé la main dans la boite de macarons que je lui avais amené, en annonçant qu’il n’allait pas tarder à « casser la gueule » à la bouteille de St Estèphe qui les accompagnait. Le lendemain, il n’a pas tenu sa promesse de sortir de sa chambre et de m’accompagner pour un déjeuner en ville. Trop mal à ses jambes qui le trahissent. Je l’ai pourtant soupçonné d’en rajouter un peu, préférant sa chambre à la cohue de la cité. Mais deux semaines ont passé. Et voici qu’il ne veut plus s’alimenter. Il ne descend même plus à l’air libre, pour fumer les cigarettes qu’on lui apporte, pour l’aider à « soigner » son vice… Le voici sous morphine, et ses infirmières, qui ont appris qui il avait été, la « légende » qu’elles soignaient, m’ont prévenu que, cette fois-ci, il était en train de partir doucement. Mais en fait, il n’est pas « en train de partir », il se laisse partir ! Et c’est sans doute cela le plus violent. Sans qu’on n’y puisse mais…Et il a réussi son coup, le bougre. Il est mort cette nuit.